Personne qui voyage à pied...

Publié le par Chacha

Le premier Guide du routard paraît en avril 1973 et couvre la totalité de la planète en 230 pages. Un guide touristique sur trois vendus en France est un Routard, c'est-à-dire environ 2,4 millions de volumes chaque année Ce petit bonhomme avec son « globe sac à dos » vous dit bien quelque chose…Personnellement, j’appréciais bien ce petit guide touristique avant de prendre connaissance d’une enquête publiée en mars 2006 : « Enquête sur un guide de voyage dont on doit taire le nom ».

Je trouvais que le format était sympathique avec ses pages en papier recyclé, le ton était familier, un brin soixante-huitard et je n’ai jamais été trop déçu des adresses recommandées. Mais quand on voit les coulisses et les abus, on change d’avis !

L’histoire de ce petit guide pour voyageur en herbe débute avec 2 amis. Dans le début des années 70, Philippe Gloaguen revenant d'un voyage en Inde et Michel Duval d'une excursion aux Etats-Unis, décident de collaborer pour créer le Guide du routard. Reste à trouver un éditeur mais avec le piston d’un camarade de promotion, les éditions Gédalge accepte de les publier. Mais la faute à pas de chance, le directeur de Gédalge meurt écrasé par un bus pendant l’été. Le Routard n'a plus d'éditeur. Mais comme Monsieur Gloaguen a le cul bordé de nouilles, il fait la rencontre du directeur du pôle tourisme des éditions Hachette (éditeurs des guides bleus en plus !) et négocie un contrat en or ! En effet, personne à l’époque ne croyait au succès du routard alors on lui a accordé des pourcentages de droits d’auteur plus élevés au-delà du 15 000ème exemplaire ! Philippe Gloaguen est le seul auteur officiel de toute la collection (qui emploie une équipe de 80 rédacteurs pigistes ou permanents). Il perçoit donc 100% des droits d'auteur. Et en 1983, un contrat signé par Philippe Gloaguen fixait le montant de ses «droits d'édition» à «10% du prix de vente hors taxe des exemplaires brochés jusqu'à 12 000 exemplaires, 12% de 12 001 à 25 000 exemplaires et 15% au-delà». En admettant que ces pourcentages n'aient pas été majorés depuis, et si les chiffres de vente annoncés par le groupe Hachette sont exacts, Philippe Gloaguen toucherait près de 3 millions d'euros annuels de droits d'auteur, ce qui en ferait l'un des «auteurs» les plus fortunés de France.

 

Les permanents de l'équipe sont payés en droits d'auteur et non en salaires (forfaits entre 80 et 100 euros la journée). Ce système réduit considérablement les charges patronales mais fragilise le personnel (absence de couverture sociale, impossibilité de percevoir le chômage en cas de licenciement...). Les enquêteurs du routard ne sont désignés que comme contributeurs. Une ligne de leur contrat les  empêche de demander toute rémunération ultérieure si les guides sont réédités ; je cite : « [sa] contribution ne constitue pas l'un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l'œuvre» et que, en contrepartie de la rémunération forfaitaire qui lui est versée à son retour de mission, il doit renoncer «à l'ensemble des droits de reproduction et de représentation attachés à [sa] contribution». [...]. Certains pigistes étudiants sont même payés sous forme de billets d'avion ou de bons d'échange dans une agence de voyages.

Il faut savoir que le Routard n'est pas une société, mai s une marque. Le 7 mai 1975, Philippe Gloaguen a déposé le nom de sa collection au registre des marques de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Du coup comme Philippe Gloaguen est l’unique propriétaire de cette marque, il ne se trouve lié à Hachette que par de simples contrats d'auteur. Rien ne l'empêche d'aller se faire éditer ailleurs ! Avec l’enregistrement de sa marque, il peut commercialiser  une multitude de produits dérivés : parapluies, parasols, valises, sacs de couchage, meubles et vêtements… Il y a aussi les «polars du Routard» où le patron du Routard perçoit encore 60% des droits d’auteurs alors qu’il n’en écrit pas une ligne. Des «compils du Routard» (curieuse de savoir quel genre de musique « Sur la route » de De Palmas, chouette !) sont écoulées à 250 000 exemplaires chez les disquaires. Un jeu de société est commercialisé. Laguiole conçoit un couteau Routard. Renault vient a lancé une Kangoo siglée Routard. Bientôt, on aura m^me des serviettes hygiéniques le Routard. Il fait même acheter aux restaurateurs et hôteliers les fameuses plaques en é mai l (45 euros pièce). Le logo du Routard est présent partout. C'est Jean Solé, dessinateur à Pilote, qui a imaginé le célèbre globe-trotter moustachu et chevelu style très «seventies». Il ressemble étrangement à Philippe Gloaguen et évoluera en fonction du changement physique de ce dernier.

 

Comme si son fric ne lui suffisait pas, il a attaqué Gallimard de plagiat avec les Géo Guides ! Il a donc exigé de toucher 12% de droits sur tous les volumes vendus depuis leur lancement. A la suite de l'audience du 29 septembre 2003, Gallimard a été lourdement condamné à payer 90 000 euros à Hachette et à Philippe Gloaguen pour «dénigrement de marque». Les Géo Guides ont en revanche été totalement blanchis sur leur contenu et leur présentation. Du coup, malgré ce succès judiciaire, le fondateur du Routard a fait appel du jugement, bien décidé à obtenir la disparition d'un concurrent gênant.

Les « bonnes adresses » citées dans les guides sont souvent des restos ou hôtels appartenant à Philippe Gloaguen ou à ses proches. Tu m’étonnes que « le patron est sympa », «Une cuisine familiale, telle qu'on l'aime...» …ce n’est ni plus ni moins que du copinage ! Jusqu'en 2004, Philippe Gloaguen assurait que ses guides étaient «remis à jour chaque année» par ses équipes. Alors que des guides entiers ou des parties de guide ne sont pas révisés pendant cinq, six, voire dix ans ! De plus, certaines descriptions des monuments et les cartes sont empruntées aux Guides bleus, donc il ne se foule pas trop. Seul le ton moins conformiste et plus relax change.

Bon bah vive les prospectus des Office du Tourisme plus objectives ! Même nos vacances sont corrompues…

Publié dans sinequanon

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C
Bah il perçoit 100% des droits d'auteur et pas Hachette. D'habitude, je crois que les maisons d'éditions ont un pourcentage. Et c'est ça qui paye les employés. C'est pas moi qui l'ait inventé; c'était dans un article.
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S
Très intéressant.par contre, il y a un truc pas logique, si "Philippe Gloaguen perçoit donc 100% des droits d'auteur", alors comment peut t'il "payer les permanents en droits d'auteur et non en salaires (forfaits entre 80 et 100 euros la journée)."Ya un truc pas logique...
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